G-P
/L'InterCompréhension/Des notions à la loupe/
Multilinguisme / plurilinguisme
Les deux termes, plurilinguisme et multilinguisme, souvent synonymes dans l’esprit du public, ont été différenciés par le Conseil de l’Europe1 de la manière suivante : le multilinguisme désigne la présence de plusieurs langues sur un territoire (c’est une vision collective) ; le plurilinguisme désigne les capacités individuelles à avoir des compétences (modulables) en diverses langues2. S’agissant de l’aspect collectif – le multilinguisme – deux actes juridiques le confortent : d’une part la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles3, qui représente le cadre international ; d’autre part la modification de la Constitution française, en juillet 2008, qui a établi que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » (article 75-1, titre XII). Sans que la symétrie soit absolue, on peut néanmoins dire que, d’un point de vue juridique, les postulats des rapports multiculturels et multilingues sont en France posés en droit.
1 http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Division_FR.asp
2 Le « plurilingue » est une personne qui possède un certain nombre de compétences dans d’autres langues, mobilisées à certains degrés selon certaines situations ; on peut opposer au « plurilingue » le polyglotte, qui est lui, un « champion des langues ». La plupart d’entre nous sommes plurilingues, alors que très peu de gens sont réellement polyglottes.
3 Adoptée le 20 octobre 2005 à la quasi-unanimité des 150 pays votants – moins deux voix contre, celles des États-Unis et d’Israël –, la Convention de l’Unesco sur la diversité culturelle est entrée en vigueur le 18 mars 2007, puisqu’à cette date, plus de trente États (seuil juridique minimal) l’avaient ratifiée.
Plurilinguisme
Le Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe définit ainsi le plurilinguisme des individus :
Être plurilingue ne signifie pas maîtriser à un haut degré un nombre impressionnant de langues, mais s’être créé une compétence d’utilisation de plus d’une variété linguistique, à des degrés de maîtrise non nécessairement identiques et pour des utilisations diverses (participer à une conversation, lire ou écrire des textes). (Beacco et Byram, 2007 : 39).
L’approche à la fois partielle (en termes de compétences) et approximative (en termes de résolution du sens) que propose l’intercompréhension rejoint la conception, défendue dans le Guide,
selon laquelle la connaissance d’une variété linguistique ne relève pas du tout ou rien : on croit communément que tant que l’on n’a pas acquis une compétence de natif, on parle mal. Contre cette croyance ordinaire, on proposera des enseignements conduisant à des compétences diversifiées (en termes de niveau de maîtrise et de compétence : compréhension, compréhension et production, connaissance de la culture cultivée…). » (Beacco et Byram, 2007 : 42).
Beacco, Michel et Byram, Michael, 2007 : De la diversité linguistique à l’éducation plurilingue : guide pour l’élaboration des politiques linguistiques en Europe (version intégrale, www.coe.int/lang/fr). Strasbourg : Conseil de l’Europe, Division des politiques linguistiques.
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Politique
Le plurilinguisme est d'abord la visée des instances européennes, notamment le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.
La Commission européenne a présenté en novembre 2005 sa première communication dans le domaine du multilinguisme, pour lequel elle propose un nouveau cadre stratégique. Elle constate en particulier que
l’Union européenne se fonde sur « l’unité dans la diversité » : diversité des cultures, des coutumes, des opinions et des langues. […] C’est cette diversité qui fait de l’Europe ce qu’elle est : non pas un creuset dans lequel les différences se fondent, mais une maison commune qui glorifie la diversité et où nos nombreuses langues maternelles constituent une source de richesses et la voie vers une plus grande solidarité et une meilleure compréhension mutuelle.
Le Conseil de l’Europe poursuit quant à lui la mise en place d’instruments permettant une meilleure organisation des politiques linguistiques, de l’enseignement des langues en particulier, et de leur gestion ; on en citera trois : le Cadre européen commun de référence pour les langues, le Portfolio européen des langues, le Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe.
Le cas français : Le plurilinguisme est depuis longtemps l’une des composantes de la politique officielle des institutions de la francophonie : le monde actuel multiplie les échanges et les contacts entre les pays et les hommes, et l’un des corollaires de cet état de fait est d’orienter la politique de la langue française vers une promotion du plurilinguisme.
Par ailleurs, l’engagement de la France pour la promotion de la diversité culturelle, visible dans son rôle moteur pour l’adoption par l’Unesco de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, est indissociable d’une politique cohérente et dynamique en faveur de la diversité linguistique, à la fois à l’intérieur des territoires et dans les relations internationales. Militent en faveur de cette position le relatif retrait du français comme langue des échanges internationaux et la géographie elle-même : la langue française partage son statut (de langue officielle ou de langue d’usage) avec d’autres langues, en Belgique, en Suisse, au Canada, dans un grand nombre de pays d’Afrique… En France même, le statut officiel du français n’empêche évidemment pas les autres langues de tenir leur place, comme langues régionales, extraterritoriales ou étrangères. Bref, partout où il est employé, le français cohabite avec une pluralité d’expressions linguistiques.
Public
Une forte caractéristique de l’intercompréhension, est de n’être pas d’abord destinée aux spécialistes de la linguistique (étudiants, professeurs…), mais bien plutôt à ceux qui, dans le grand public, se sentent en insécurité face aux langues étrangères :
La finalité didactique vise la sensibilisation positive : apaiser les craintes face à l’apprentissage d’une nouvelle langue qui suppose un investissement personnel important (temps, effort) par rapport à un résultat aléatoire (poids de l’échec d’expériences antérieures) ; on introduit une autre vision de la réussite.
Ainsi, paradoxalement, cette méthode imaginée par des linguistes trouve son application dans un public non-spécialiste de linguistique, « l’objectif du plurilinguisme imposant l’idée de compétences partielles, de droit à la connaissance imparfaite, approximative d’une langue. » (Slodzian, 1997 : 16). L’approche des langues sous la forme de l’intercompréhension est une méthodologie rassurante et incitatrice.
Slodzian, Monique, 1997 : « Quels outils pour l’apprentissage de la compréhension multilingue ? »,Le français dans le monde, n° spécial (janvier), L’intercompréhension : le cas des langues romanes, « Recherches et applications ». Paris : Hachette, 14-24.
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